Retour sur le buzz de la chocolatine

Il y a quelques jours, je sortais naïvement cet article dans lequel je décrivais principalement la méthode mise en place pour cartographier les résultats d’un sondage un peu décalé qui avait lieu sur le net, à savoir chocolatineoupainauchocolat.fr. Même si ce site avait déjà un peu fait le buzz, je ne m’attendais pas du tout à ce qu’on mon article plutôt technique déclenche un plus gros buzz encore ! Petit retour d’expérience maintenant que le soufflé est redescendu.

Pour commencer, encore un peu de dataviz’

Parce que je me suis bien marré à faire l’infographie qui a tant circulé sur le web ces derniers jours, j’ai voulu remettre le couvert pour illustrer un peu ce succès en deux images :

Comme sous-entendu dans les images, ce qui est difficile c’est de quantifier le buzz que l’on ne voit pas. Certains choses sont facile à comptabiliser mais dès lors qu’on est repris par des sites et la presse, on a plus la main sur les comptes. Pour exemple, rien qu’en prenant les chiffres de l’article de Slate, il faudrait rajouter à la première infographie plus de 4200 partages sur Facebook et plus de 150 sur Twitter (au 21/10/2012).

Petite revue de presse, avant l’analyse

Mardi 16 octobre :
– Slate Fr
– Ask Média
– Ouest France (blog)
– La République des Pyrénées
– Grand Rouen

Mercredi 17 octobre :
– La Nouvelle République
– Centre Presse
– BFM TV
– Sud Ouest
– 7 à Poitiers
– Le Populaire du Centre
– Pegasus Data
– Carto, Le Monde en cartes (page Facebook)
– France Inter (billet de Patrick Cohen)
– France Bleu (chronique L’Histoire du Jour)
– France TV Info
– Wikipédia

Jeudi 18 octobre :
– La Nouvelle République (+ édition papier 86)
– Centre Presse (+ édition papier)
– Alouette (chronique Insolite)
– Gabriel Morin

Vendredi 19 octobre, et les jours suivants :
– Géotribu
– Eric Leguay
– Et dire qu’on se croyait chic
– Carré d’Info
– Charente Libre
– L’Express
– 7 à Poitiers (édition papier du 23/10/2012)
– Strange Maps (Big Think)
– Courrier de l’Ouest (+ édition papier du 02/11)
– La Nouvelle République (+ édition papier 79 du 06/11)
– J’ai faim ! (édition papier du 06/11)
– SIG La Lettre (+ édition papier n°141 de nov. 2012)

Mais comment des pains au chocolat ont pu faire le buzz ?

Au delà du fait que la polémique née des propos de Jean-François Copé ait probablement aidé à la manœuvre, le sujet était propice au buzz. Déjà, il n’est pas nouveau : cette guerre lexicale existe depuis déjà longtemps. Ce n’est d’ailleurs pas le seul terme à être l’objet de débats. Pire encore, en avançant des résultats intermédiaires, j’ai conforté un camp et provoqué l’autre. Que du bon pour un buzz. Quoi qu’il en soit, le sujet avait déjà fait l’objet d’un premier buzz, on a donc pu bénéficier d’un retour de buzz : tout ceux ayant voté et/ou relayé le premier buzz obtenu par le sondage se sont senti obliger de réagir aux résultats et de relayer à nouveau l’information. En outre, le sujet est très léger et plutôt décalé. En même temps, il est assez concret car il relève de l’identité, de la vie quotidienne, de la culture, voire du régionalisme. Enfin, il y a un autre aspect qui a aggravé l’effet de buzz, c’est le fait qu’il ne puisse y avoir de vainqueur : un « clan » n’arrivera jamais à convaincre l’autre, et aucun historien ou spécialiste ne viendra contredire la légitimité d’un terme plutôt que l’autre.

Intérêts et avantages

Une fois le gros du buzz passé, et avec le recul, j’ai pu trouver plusieurs intérêts à ma démarche. Tout d’abord, il s’agissait de proposer une sorte de tutoriel en décrivant précisément toute la méthodologie retenue. L’objectif était de partager des connaissances, voire de discuter de mes choix avec d’autres personnes concernées par ce genre de traitement informatique. Le résultat, quant à lui, alimente de façon constructive et plus ou moins scientifique ce débat lexical vieux comme le monde.
Avec la perspective du buzz, un autre intérêt est né : celui de vulgariser l’utilisation de l’outil cartographique, en en démontrant les avantages et l’efficacité. C’est aussi le cas pour l’infographie (ou datavisualisation), mais cette démarche est déjà plus populaire, notamment dans le monde du journalisme où elle est déjà plus usitée.
Enfin, plus personnellement, tous ces événements m’ont permis d’avoir une première expérience dans la gestion d’un buzz (temporalités courtes, diverses et nombreuses demandes et sollicitations, etc.). Je ne sais pas si j’aurais un jour à nouveau à faire avec ce type d’événement mais je pourrais toujours profiter de cette première expérience. Enfin, ça m’aura peut-être permis de faire un peu parler de moi, d’avoir une référence, dans le domaine de la cartographie, tangible, connue et reconnue. Pour autant, je ne saurais dire s’il y aura un jour des retombées à tout cela…

Déceptions et frustrations

Ma plus grande frustration vis-à-vis de ce buzz, c’est celle de ne pas avoir anticipé sa venue : si j’avais su à l’avance le nombre de personnes qui allait consulter mon billet, j’aurais surement pris le temps d’améliorer la description de la méthode et/ou le rendu final, anticiper les critiques pour améliorer le tout ou juste préparer ma défense, etc. Bon, après tout, cette spontanéité m’a permis d’apprendre plein de choses (de la méthodologie pure à la gestion du buzz). Sur la méthodologie, les critiques ont portées sur le géocodage (plus lent qu’une simple jointure, en passant par une table de correspondance codes INSEE – codes postaux) et le manque de recul sur les conséquences du choix de l’interpolation IDW dans ce cas précis. Concernant la gestion du buzz, j’ai tenté, quand j’en avais la possibilité, de faire passer quelques messages, plus porteurs de sens que le débat en lui même, mais rares sont ceux qui ont bien voulu relayer tout cela (vulgarisation de l’outil cartographique, intérêts de la datavisualisation). Ce qui est aussi difficile à gérer, c’est ce que j’aime appeler « la gueule de bois du blogueur » : le buzz prend rapidement de grosses proportions, mais il retombe presqu’aussi rapidement; et on prend rapidement goût aux nombres de visiteurs à cinq chiffres. Ça ne dure jamais assez longtemps…

Évolution du nombre de visites, heure par heure

Parmi mes déceptions et mes frustrations, j’ai aussi celle de ne pas avoir permis de mettre « chocolatine » en trending topic France de Twitter et de ne pas être allé jusqu’à une petite diffusion TV, mais ne boudons pas notre plaisir pour autant ! :D

Quelles suites donner à tout ça ?

Pour commencer, pour ceux qui sont intéressés par les questions de représentation et de sémiologie (carto)graphique, des échanges intéressants ont (encore) lieu dans le billet rédigé par Martin Grandjean sur le site du projet Pegasus Data (lien dans la revue de presse ci-dessus).
A l’heure où je rédige ce nouveau billet, le sondage lancé par Romain Ménard vient de dépasser la barre des 30 000 votants. Ma carte et mon infographie se basent, elles, sur les 18 636 premiers votes. Pour résumer, l’échantillon a bien grossi mais il n’a peut-etre pas forcément « bien » grossi (mobilisation des pro-chocolatine liée aux relais presse provenant majoritairement du Sud-Ouest, votes frauduleux, etc.). Les résultats pourraient donc être affinés, mais des précautions devraient alors être prises.
Sur la méthode, il y a aussi des choses à améliorer : il faudrait réfléchir sur la pertinence et le paramétrage de l’interpolation IDW. Beaucoup de gens m’ont parlé de la nécessité de pondérer les votes obtenus par la population de chaque commune, mais je suis de moins en moins convaincu par tout cela. Bref, il y aurait bien des choses à discuter sur la méthode.
Par ailleurs, il y a un aspect que je n’ai pas du tout exploité jusque là, c’est le temps. En effet, je suis en train d’imaginer une animation montrant l’évolution statistique et cartographique des votes, en prenant bien le soin d’analyser les anomalies (diffusion des premiers résultats, relais presse majeurs, etc.). Pour cela, je compte bien exploiter le timestamp attaché à chacun des votes enregistrés par Romain sur son site.

Bonus : Mimosa’s Drawings

Source : mimosa-drawings.blogspot.fr